J'avais rencontré Marc une seule fois, il y a deux mois à Paris. J'avais été frappé toute la soirée par le mimétisme entre les deux frères. Marc parlait, je croyais entendre Gilles, mot pour mot, même timbre de voix, même construction des phrases, même rythmique, même facilité d'élocution, même façon de raconter des histoires, même communauté de vocabulaire. Puis les mêmes mains (fines), la même chanson de geste.
Au restaurant, il nous avait fait mourir de rire en parlant de son père.
Et pas le semblant du commencement de la moindre plainte durant tout le week-end. Mais des histoires drôles à raconter. Pas un mot sur sa maladie mais des projets d'avenir : voyage en Italie et reprise des cours.
Nous avions joué au billard : pas un mot sur bras raide qui devait le faire souffrir. Juste le plaisir d'empôcher quelques billes.
Il était plus vivant que bien des vivants, il était bien plus fort que nous, qui geignons dès que nous avons mal aux dents
« On n'est pas sérieux quand on a dix sept ans », disait le poète. Ca je ne sais pas. En tout cas, je crois qu'à 20 ans on est le roi du monde, parce qu'on n'est plus enfant et pas encore adulte. Marc avait en lui toute cette force que nous donne la jeunesse (avant que la vie nous use), il possédait ces utopies et ces belles idées qui ont trop vites fanées en nous, l'insouciance et la joie de vivre de ceux qui veulent croquer la vie à pleine dent.
Et cette envie rejaillit sur nous ce week-end d'octobre.
Toutes ces raisons qui font qu'on ne l'oubliera pas
Paris, le 20 décembre 2002